dans Temoignages

Bonjour,

Je voudrais vous partager ce que je vis, comme beaucoup de proches de personnes handicapées sans doute…

Je suis maman de trois enfants, dont la dernière, Eléonore, 14 ans, est atteinte d’une IMC.

Ce n’est pas son handicap qui est difficile; c’est une petite fille extraordinaire, pleine de vie et de bonheur, c’est la gestion des difficultés et contraintes qu’il engendre. Et parfois, on se perd face à des situations inadmissibles et intolérables.

Je me sens complètement perdue pour le moment; déniée dans mon droit au travail…je perds pieds face à des comportements qui nous empêchent tout simplement de rester « dignes » face aux difficultés de la vie.

Je vous en fais part (excusez la longueur du texte…mais j’essaie d’être la plus explicite possible)

Après avoir bataillé ferme ( c’est un moindre mot!) depuis plus de 10 ans pour réussir l’intégration scolaire de ma fille, atteinte d’une infirmité motrice cérébrale ; voici la suite de l’aventure…qui reste , malheureusement, bien compliquée… pour des motifs bien …difficiles à comprendre…:

Ma fille Eléonore, âgée aujourd’hui de 14 ans, est en intégration partielle au Collège de Herve où tout se passe très bien.

Contrairement à ce que le MET (Commission des transports scolaires) avait promis, elle n’a toujours pas accès aux transports gratuits (normalement, c’est le cas pour les enfants handicapés inscrits en enseignement spécialisé) et cela me cause de gros soucis!!!

Mais ce ne sont pas les seuls, malheureusement. En deux mots : je n’arrive pas à concilier travail et gestion du handicap de ma fille malgré le sacrifice de la moitié de mon temps de travail et du salaire qui y est lié!!!!

Je travaille au Collège du Sartay, enseignement confessionnel catholique, depuis mars 1995.

Je n’ai pas toujours exercé une charge complète, faute d’heures vacantes, mais cela ne posait alors pas de problème et même, cela me permettait de concilier mes deux casquettes : maman de trois enfants (Eléonore est la plus jeune) et professeur.

Je me suis toujours impliquée dans mon métier et ai toujours eu le souci, et le coeur, de l’exercer le plus correctement possible


Le handicap d’Eléonore a été clairement posé aux alentours de 10 mois.

Dès qu’elle a été en âge scolaire, j’ai dû essayer d’adapter mon horaire pour libérer les premières et dernières heures (comme elle ne marchait pas, il fallait être à l’heure pour la déposer et la reprendre en classe) ; au début, quand c’était possible, je faisais également les trajets pour la reprendre sur le temps de midi et la reconduire ensuite avant de reprendre mes cours.

Pendant un certain temps, j’ai exercé mon métier à temps partiel (j’étais alors mariée…) ; les horaires étaient donc moins problématiques et l’annonce du handicap avait eu un impact émotionnel sur la Direction…

C’était il y a 13 ans…

Le « choc affectif » a ensuite été vite digéré et le handicap de ma fille est passé peu à peu au statut de « problème d’horaire à gérer ».

Année après année, il a fallu chaque fois justifier des mêmes difficultés, voire tenter d’expliquer qu’avec le temps les contraintes étaient de plus en plus importantes (surtout après le divorce qui me laissait seule à gérer trois enfants).

Ma seule demande était de ne pas commencer en 1ère heure et, si possible d’avoir quelques heures d’affilée libérées pour pouvoir y mettre les différents RDV médicaux et paramédicaux et garder ainsi une qualité de vie minimale pour la gestion familiale et les contraintes « pratico-pratiques » engendrées par le handicap d’Eléonore ( chaque semaine 2 séances de kiné, 2 séances de logo; de l’ergothérapie, des examens et bilans divers, des loisirs adaptés… + le travail normal d’une maman de trois enfants).

Ces deux desiderata sont proposés noir sur blanc par la Direction à tout professeur titulaire.

Je ne faisais donc aucune demande de plus que n’importe quel collègue titulaire de classe.

Depuis quelques années (la Direction a changé et les horairistes aussi), c’est de plus en plus pénible d’obtenir un horaire qui permet de tenir la distance.

A chaque rentrée, depuis plus de 10 ans maintenant, je dois encore et encore expliquer le parcours qui est le mien; les contraintes qui y sont associées..; c’est de plus en plus pénible et humiliant, surtout quand on vous « remballe » comme une « emm…euse ».

L’année passée, je n’ai pu obtenir aucun temps libre et ai donc dû m’absenter à plusieurs reprises pour me rendre à des RDV médicaux indispensables pour Eléonore (ce qui m’a été lourdement reproché).

Je n’ai pas « tenu le coup » et mon médecin m’a mise au repos quelques temps.

Eléonore était en primaire l’an dernier. Le passage vers le secondaire était donc une question préoccupante qui a pris beaucoup de temps et d’énergie.

Elle est scolarisée en enseignement ordinaire (intégration partielle avec inscription en ens. spécialisé) mais ne bénéficie, à l’heure actuelle d’aucun transport (on attend les dérogations sans savoir pourquoi d’ailleurs elle n’a pas reçu l’accord???). Je fais donc es trajets A/R (en gros, + ou – 1h30 à 2h par jour) en attendant de trouver une autre solution. Comme elle n’est pas autonome, les horaires sont vraiment déterminants.

Pour éviter ces pénibles demandes et justifications de début d’année, j’ai pris pour cette rentrée une mi-temps (interruption de carrière pour assistance à personne gravement malade).

Je pensais me mettre à l’abri de toute discussion puisque la loi prévoit dans ce cas de figure une répartition d’horaire sur 5 demi-journées.

L’école m’a demandé de prester 2 heures de plus, ce que j’ai accepté pour éviter à mes collègues des changements d’attribution (et pour ne pas encore me faire taxer d’em…euse!). Je ne savais pas, hélas, que ces deux heures supplémentaires engendraient aussi une charge en temps plus lourde puisqu’on passe alors à 6 demi-journées.

Surprise…
À la rentrée, mon horaire s’étalait sur 7 demi-journées ! (alors que j’avais prévenu de ma réduction de travail le 20 août déjà, bien avant la confection des horaires)

Quand je suis allée trouver ma Direction, je me suis heurtée à un refus catégorique de changement! On a invoqué un horaire provisoire… ( cet horaire provisoire peut courir « un certain temps » mais ma réduction de salaire, elle, est immédiate! je suis seule à assumer mes trois enfants et cette solution était un vrai « sacrifice familial » , qu’on pensait compensé par une charge allégée…)

J’ajouterai à ce refus de revoir mon horaire, une suite honteuse de remarques :

  • j’ai des demandes d’horaire ingérables (???)
  • je ne suis jamais contente de ce que j’ai
  • cela fait 10 ans que j’embête tout le monde avec mon horaire et ça commence à bien faire*
  • mes absences portent préjudice à la scolarité de mes élèves
  • je ne sais pas demander les choses gentiment ( ?!!)
  • l’école n’a pas à tenir compte de mes problèmes personnels
  • on aurait beau faire si on devait tenir compte de la situation personnelle de tout le monde (je ne crois pas que je vis la situation de tout le monde ni que tout le monde vit les mêmes difficultés que moi)

et j’en passe…

J’ai contacté mon syndicat ( CSC) qui a téléphoné au Sartay, sans succès dans un premier temps Le sous-directeur ( qui fait les horaires et qui est un ancien délégué syndical!!) ) ne voulait pas bouger. Mon délégué a alors rétorqué fermement que je ne presterai pas une des demi-journées. Réponse reçue :  » Si elle veut le légal, elle aura le légal ».

J’ai reçu mon horaire définitif fin de la semaine dernière : sur mes 4 jours de prestations, il y en a 3 où je ne sais pas aller rechercher ma fille!!! (motif majeur de ma réduction d’horaire). Mes 12 heures sont réparties « plic-ploc » ( 8h de fourche) ex: le mardi, je termine à 11h50 pou reprendre une heure de cours presque 4h plus tard, de15h25 à 16h15; ma fille termine à 15h30, l’étude dure jusque 16h25 et il me faut 45 minutes pour arriver ( il est alors + – 17h). Et il faut encore, certains jours, ajouter à cela les soins et autres rdv médicaux. Le mercredi, je commence à 11h pour 2 heures de cours qui me tiennent jusque 12h45, soit 13h30 avant de pouvoir reprendre ma fille à l’école ( elle termine à 12h et il n’y a pas d’étude ce jour-là). Dilemme total. Mais le légal est rencontré…m^me si l’humain ne l’est pas…

J’ai eu beau essayer de discuter; rien n’y a fait…

Je fais quoi???? Je vais perdre 1/3 de mon salaire pour rien??? J’ai réduit mon horaire pour ne pas poser de problème à mon école et pouvoir gérer la nouvelle scolarité de ma fille. Même avec 12h de cours, je n’arrive pas à faire entendre ma demande à ma Direction qui refuse de prendre en compte ma situation particulière, invoquant que chacun a ses soucis !!!!

J’ajouterai que tout le monde sait dans l’école que des privilèges sont accordés à certains collègues pour convenance personnelle; des heures sont bloquées pour tout le monde dans l’horaire, des journées entières parfois pour des motifs que je n’oserais même pas évoquer , tellement ils sont légers…mais acceptés!!!

Je suis écœurée d’une telle mentalité.

Soit on doit ramper, pleurer, supplier pour essayer de faire partager ses difficultés et peut-être, par la pitié suscitée, sera t on entendu…et encore… mais là, je refuse! Je ne veux pas me résoudre à voir le handicap comme une tare qui me réduit à une position de mendiante.

Soit, on reste debout, comme tout le monde (ce que nous sommes) et là, on se heurte aux fermetures.

J’ai besoin de garder ma dignité et souhaite juste que la situation « exceptionnelle » que je vis soit reconnue de sorte que je puisse m’occuper correctement de ma fille et continuer de promouvoir son intégration.

Nos conditions de vie et de travail sont les garants de la qualité de vie de nos enfants.

En entendant pas mes demandes (la prescription légale en tout cas) c’est presque mon droit au travail qui est remis en cause. Comment puis-je, seule, faire face à tous ces problèmes de gestion de temps (je ne parle que de ceux-là), si cela est ainsi jeté aux orties?

Et je n’évoque pas le mépris du handicap lui-même, ainsi stigmatisé à travers moi…

On parle beaucoup des aidants proches, des familles touchées par le handicap d’un enfant et de leur désarroi; des difficultés rencontrées, de l’obligation souvent de réduire, voire abandonner un emploi.

Je ne peux me permettre cela. J’ai une charge de famille importante et mes enfants ont le droit, comme les autres, que leur parent-nourricier travaille et leur donne accès à un niveau de vie décent. Je crois aussi avoir droit au travail; m^me si cela demande quelques aménagements d’horaire. Le secteur dans lequel je travaille permet de jouer avec les heures de travail mais je crois surtout que ce secteur, celui de l’éducation, de l’apprentissage de la vie, devrait être bien davantage ouvert à ce genre de problématique sociale et de respect des difficultés liées aux handicaps. Comment croire en l’intégration des personnes à besoins spécifiques dans l’enseignement ordinaire, comment croire au respect de la différence devant de tels dénis????

Merci d’être attentif à mon propos et de faire ce qui est en votre pouvoir, non seulement pour m’aider à résoudre le problème concret que je vous pose mais également pour essayer de faire accepter plus largement qu’il y aurait sans doute urgence à trouver des moyens juridiques pour défendre le droit des enfants handicapés ou gravement malades ou malades chroniques et de leurs parents!!

Salutations cordiales.

AM Schyns

Restez informé(e) !

Pour être tenu(e) au courant de nos événements !

Soutenez-nous !

Soutenez-nous !

Faites un don

Et contribuez à la pérennité
de nos actions.
Défiscalisation pour les montants supérieurs à 40€.

Font Resize