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Aidants, entre Covid et déconfinement : ce qui est nommé reste en vie

Geneviève Aubouy (Chargée d’études)  à l’ASBL Aidants Proches Wallonie – 26 juin 2020

La pandémie liée à la Covid-19, le (dé)confinement ont été, pour l’ASBL Aidants Proches, à la fois continuum et oscillation permanente. Ecoutons 2 aidants, illustrant à merveille ce mouvement de balancier : « La solitude est un sentiment très lourd à porter surtout quand tout s’effondre autour de vous, alors vous pensez bien que le confinement non seulement n’arrange rien mais en plus, il aggrave cette impression » (Jacques ). « Nous avons de la chance parce que depuis le 13 mars dernier, notre fille et deux voisines s’occupent de nos courses » (Jean).

Portait chinois : les aidants proches sont des caméléons

Les aidants proches sont de drôles d’animaux. Insaisissables, ils se méconnaissent eux-mêmes en tant qu’aidants. Ils se définissent avant tout comme parent, enfant, ami, voisin… épaulant indifféremment des jeunes, des vieux, des conjoints, des amis, ponctuellement ou sur du long terme. Fidèles, ils accompagnent des personnes vulnérables. Ils sont changeants : on ne les trouve pas « que » dans la sphère familiale. Ils disposent d’une grande capacité d’adaptation : ils sont présents à domicile, cohabitants ou non, mais ils veillent aussi sur un proche « hébergé » en maison de repos, en établissement pour personnes en situation de handicap… On leur demande rarement comment ils « vont », eux. Parce qu’ils sont perçus comme l’extension de la personne fragile qu’ils épaulent, ils n’auraient pas d’existence propre hors de la dyade « aidant-aidé ». Les raisons invoquées de la part des professionnels sont le manque de temps, la peur d’ouvrir la boîte de Pandore (et de ne plus savoir la refermer), la crainte… Face à un aidant sur le point de flancher, et bien identifié comme « à risque », quel relais lui proposer ? Le sentiment d’impuissance des professionnels est à son comble.

« Ils ne mourraient pas tous, mais tous étaient frappés »

Le sentiment d’impuissance s’est encore exacerbé lors du confinement lié à la Covid-19. Les professionnels ont recentré leur activité sur les publics fragiles, institutionnalisés ou non. Or, ces choix dramatiques n’ont fait que refléter deux choses. D’une part, l’ensemble de la population a pu expérimenter « grandeur nature », l’enfermement sans perspective que vivent, dans l’ombre, nombre d’aidants. Rappelons-nous les paroles de Jacques, en introduction.

D’autre part, ces aidants proches ont été, plus que jamais, confrontés à une double peine : alors qu’en temps « normal », on les enjoint à prendre du répit pour « tenir » sur la durée avec leur proche, ici, point de salut. Non seulement ils ne pouvaient plus en avoir, mais se retrouvaient même parfois dans une cohabitation forcée avec la personne aidée…

Entre intendance domestique, télé travail, courses la peur au ventre, gestion 24/24 des besoins de leur proche, les aidants ont payé un lourd tribut à la solidarité collective : « Je ne vais plus chez ma maman que une fois par semaine pour les courses et je prends mille précautions… Elle ne comprend pas trop le pourquoi et est de plus en plus perdue dans un Alzheimer qui, je crois, gagne de plus en plus de terrain (Valérie) ». Et Jean de renchérir : « Au début du confinement, notre médecin généraliste ainsi que la kiné nous ont téléphoné pour insister sur l’absolue nécessité de ne pas bouger de la maison, aller relever le courrier ou sortir les poubelles représentent les plus longues promenades ! ! ! Les visites de soins prévues ont été annulées. A part un contact téléphonique de temps en temps et des échanges de mails avec des personnes connectées et connues, c’est le calme plat. »

Les ressentis de ce public…

Autant d’aidants, autant de situations impactées par la pandémie. Quels sont été les ressentis de ce public, en témoignages spontanés, ou relayés par nos antennes locales et par notre permanence ?

  • La crainte d’une contamination croisée : en sortant pour des achats indispensables, vais-je contaminer mon proche, parfois déjà très affaibli ? Pire encore, que faire si je dois être hospitalisé ?! Qui prendra le relais puisque tout le monde est confiné chez soi…
  • Le déracinement d’avec le proche aidé : hébergé ailleurs qu’à domicile, les aidants ont dû faire des choix cornéliens. Reprendre son proche, mais pour combien de temps, dans quel bouleversement du quotidien, avec les troubles comportementaux qu’il peut vivre ?
  • Le laisser en centre s’accompagne d’un déchirement : comment ce proche va-t-il comprendre le chamboulement de sa vie, de ses routines ? Impossible de veiller sur lui/elle…
  • Un déchirement vécu sur le mode de l’ambiguïté : le proche est loin, et on ne sait pas toujours ce qu’il traverse… Et pour autant, il s’adapte lui aussi à cette nouvelle donne. Et de fait, ne pas avoir son proche, c’est revivre des nuits complètes de sommeil, lâcher un emploi du temps effréné…
  • Au moment du déconfinement, beaucoup d’aidants restaient inquiets : quel sera le risque de contamination croisée ? A cette angoisse s’ajoutait un sentiment d’opacité face aux consignes officielles : « Lorsqu’on pouvait accueillir jusqu’à 4 personnes de son entourage, mais pas son propre enfant à la maison. Or quand les personnes handicapées rentrent en famille, c’est pour cocooner, pas pour multiplier les sorties ! » (Cécile)

Garde rapproche ou éloignés, les aidants ont dû composer avec une réalité anxiogène, des professionnels attentifs mais désarmés, un manque de visibilité sociétale encore accentué pendant cette crise. Du coup, quelles sont leurs attentes, leurs revendications ?

Préparer l’avenir… Parier sur la « résilience » ?

Autant d’aidants, autant de situations impactées par la pandémie. Quels sont été les ressentis de ce public, en témoignages spontanés, ou relayés par nos antennes locales et par notre permanence ?

Quelle vision des aidants proches ? Maintenant et pour la suite ? Quel est le plaidoyer de l’ASBL, centre ressource et d’expertise pour les aidants, pandémie ou pas pandémie ? La 1° chose, c’est qu’ils soient bel et bien reconnus comme des partenaires à part entière – et non comme le prolongement du proche aidé. Ces partenaires informels sont le pilier invisible du système de sécurité sociale belge. Sans eux, plus de garde 24h/24, plus d’aide quotidienne, une institutionnalisation « à marche forcée » de toutes les personnes vulnérables, dans l’incapacité de rester seules à domicile… Financer tous les professionnels nécessaires au travail invisible qu’effectuent les aidants, c’est tout simplement « flinguer » les finances publiques.
Donc, nous considérons les aidants comme des « experts informels de la 1° ligne ». Oui, les aidants disposent d’une expertise spécifique. Basée sur des habitudes communes, des « trucs et astuces », elle est solide. Elle devrait être réellement prise en compte comme étant complémentaire à celle des professionnels.

On le voit encore trop souvent, lors des formations dispensées à des professionnels aguerris, ou dans les travaux d’étudiants : les aidants proches sont mal identifiés. Même dans les textes légaux existants, il est question de les « former » afin qu’ils soient encore… de meilleurs aidants, plus performants, plus autonomes ! Alors, reconnaissance de leur capacité à épauler… Ou moyen commode de disposer de « soignants par délégation » remplaçant avantageusement des professionnels eux-mêmes trop peu nombreux ?

La pandémie révèle les failles de notre société. Elle met tout à coup en lumière les « oubliés », les sans-grades qui, pourtant, ont tenu à bout de bras le système. Que faire des constats documentés émergent ? Quelles priorités seront de mise pour demain ? Pour quelle cohésion sociale ? Chacun pour soi, ou tous ensemble ? L’ASBL Aidants Proches fait le pari de tabler tous azimuts sur une démarche d’intelligence collective :

  • Construire ensemble : des consortiums académiques et universitaires se penchent sur une réforme des soins de 1° ligne. Les débats s’orientent vers l’inclusion d’une sensibilisation au continent « aidant proche », dans les formations des futurs professionnels (para)médicaux ;
  • Revendiquer  : l’ASBL salue la mise en place d’un congé parental Corona, qu’elle voudrait voir étendu à tous les aidants. Nous nous félicitons aussi de ce que la loi de reconnaissance des « aidants proches », sera (enfin !) probablement sur les rails au 01/09/20, après plus d’un an de patience… Et 5 ans pour faire aboutir les 1 ° textes législatifs ;
  • Réfléchir ensemble pour préparer demain : en s’appuyant sur un travail en réseau et une intelligence partagée, l’ASBL Aidants Proches organise ce 01/10/20, un colloque sur le thème du « (dé)confinement… made in aidants proches ». Son ambition ? Partir d’un constat documenté, sur la manière dont les aidants proches ont vécu le confinement, pour dégager pistes de travail et préconisations concrètes, à destination de la puissance publique et des autorités politiques qui nous gouvernent. Parce que c’est maintenant que doit s’envisager demain : #TousAidantsProches.

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