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« La santé des aidants proches s’affaiblit » : le constat alarmant tiré de l’étude de Partenamut « Le rôle d’aidant proche a-t-il un impact sur la santé ? »

(2020) Villey G., Hizette M., avec le soutien de MLOZ et UCLouvain

Cette enquête a été menée par Gladys Villey et Margaux Hizette, avec le soutien de MLOZ (Mutualités Libres-Onafhankelijke Ziekenfondsen) et de l’UCLouvain. Elle s’est construite à partir des données mutuellistes de PARTENAMUT- Mutualités Libres. Depuis 2016, cette mutuelle a apporté une attention particulière à ses affiliés « aidants proches ». Ses services « d’aide à la personne » ont voulu développer des axes touchant la qualité de vie, les soins, et jusqu’aux démarches de réhabilitation (revalidation) des aidants. Concrètement, cela s’est traduit par la mise en place d’une cellule « aidants proches » (AP), au sein de laquelle des travailleurs sociaux utilisent une échelle estampillée « AP » développée par PARTENAMUT. Utilisée à destination de ce public-cible, elle permet l’ouverture de droits sociaux dans le cadre de l’Assurance complémentaire (AC). Accompagnement individuel, analyse de la situation de l’aidant, aspects financiers, psychologiques, propositions de répit, de formations… sont devenus des automatismes. Le tout fait l’objet d’une évaluation en interne, des besoins des AP.

A l’heure actuelle, ce ne sont pas moins de 6.500 affiliés PARTENAMUT qui sont identifiés comme « AP ».  Le constat qui a motivé la présente étude est le suivant : l’AP délaisse sa santé au profit de celle de son proche. Mais comment approfondir cette prémisse, pour faire émerger des éléments saillants et donc, des recommandations ?

PARTENAMUT a diligenté une enquête comparant 2 échantillons : 6.100 AP parmi ses affiliés, et 100.000 affiliés non-aidants, tirés au sort sur base aléatoire. Ces échantillons sont comparables par le genre et la structure d’âge : il se traduit (logiquement) par un pic de représentation des hommes et des femmes entre 51 et 60 ans, pic qui s’étend aussi aux âges adjacents.

Les indicateurs que PARTENAMUT a utilisés sont variés. Le 1° d’entre eux est le recours des affiliés de l’étude aux produits de « l’assurance obligatoire » (c’est-à-dire le remboursement des soins de santé tels que prévus par la nomenclature de l’INAMI). Le 2° indicateur est l’utilisation des produits issus de « l’assurance complémentaire » (soit les avantages complémentaires que chaque mutuelle propose à ses affiliés). PARTENAMUT cible également les « incapacités de travail » (entre 20 et 64 ans) des 2 échantillons. Enfin, elle y compile les données du volet « hospitalisation » (défini comme tout séjour excédant une nuit passée à l‘hôpital, hors passage en « one-day »).  Ces 4 indicateurs ont fait l’objet de constats et de réflexions, eux-mêmes alimentés par les échanges que les professionnels de la mutuelle entretiennent depuis des années avec des experts à l’échelon transnational.

Quel est le profil des AP de l’enquête ?

Sur les 6.100 AP, 64 % sont des femmes dont l’âge moyen est de 58 ans (contre 36 % d’hommes de 60 ans d’âge moyen). 25 % des AP sont bénéficiaires du BIM (une intervention majorée de la mutuelle pour permettre une meilleure accessibilité aux soins). Plus de 80 % d’entre eux sont cohabitants. Parmi eux, 52 % sont les « partenaires » de leur proche, contre 24 % qui sont les enfants de ce proche fragilisé. Enfin, 50 % de ces AP sont encore actifs professionnellement.

Incapacité de travail, invalidité : quels constats ?

Durant la période étudiée, parmi les 20-64 ans, 6 % des AP ont passé du temps en incapacité de travail, contre 2 % des « non-AP ».

La durée d’invalidité des 1° est deux fois plus longue que pour les « non-AP ». En revanche, les « non-AP » font état d’une période d’interruption de 75 jours, contre 62 pour les AP. Cela étant, environ 27.5 % des AP passent d’une incapacité à une invalidité de longue durée, contre « seulement » 17.6 % des affiliés « non AP ».  Quelle interprétation tirer de ces résultats ?  Ils illustrent l’épuisement des AP, pour lesquels il est impossible de combiner à long terme vie de travail et rôle d’aidant. Pour faire face à cette « surcharge » des rôles, les AP auraient besoin de moments de répit. Le risque, sinon, est de voir une nette dégradation de leur état de santé. Ce qui amène les professionnels de PARTENAMUT à plaider pour un suivi médical des AP plus poussé.

La durée moindre des incapacités de travail des AP (en comparaison avec des affiliés « non-AP ») accréditerait la thèse selon laquelle les AP ont un impérieux besoin de leur revenu professionnel, pour faire face aux multiples dépenses destinées à assurer une qualité de vie optimale de leur proche aidé. Ce souhait engendre des frais… Il se peut que ce soit la raison de leur retour « précoce » au travail, et c’est pourquoi PARTENAMUT plaide pour un soutien financier supplémentaire pour les AP. Enfin le travail offre aux AP, des avantages certains :  une « soupape » leur permettant de s’extraire d’un quotidien pesant, et des contacts avec les collègues qui permettent de garder un lien social actif.

L’Assurance Complémentaire (AC) : trois fois plus de consommation chez les AP que chez des « non-AP »

Afin d’être certain de comparer la même chose, ces chiffres n’englobent pas les avantages spécifiques destinés aux AP ! Il n’en reste pas moins que les AP consomment 4.6 produits tirés de l’AC, contre 1.5 environ, chez les affiliés « non-AP ».  Un focus sur le suivi psychologique témoigne que cet avantage est trois fois plus consommé chez les AP (0.6 avantage/an, contre 0.11 avantage/an pour des affiliés « classiques »). La prévention et la pédicure voient les AP recourir deux fois plus à cette offre. La même tendance s’observe dans la médecine alternative et l’optique, bien que moins prononcées. Qu’en dire ? On peut suggérer que les AP soient mieux informés sur les avantages, grâce au travail d’écoute et d’orientation mené par la « cellule AP » de PARTENAMUT. Pour tenir, les AP utilisent tous les « leviers santé » à leur disposition : cela renforce l’idée qu’il est impératif de renforcer les interventions dans les soins de santé. Enfin, la proximité des AP avec la perte d’autonomie de leur proche, les conduiraient alors à être conscients de la nécessité de préserver leur propre santé, en favorisant des actions « préventives ».

L’Assurance Obligatoire (AO) : un impact documenté, du rôle d’AP sur la santé

Un AP reçoit par an, environ 12 remboursements de soins de santé dans le cadre de l’AO, contre 9 pour des affiliés « non-AP ».

Ce chiffre vaut pour les consultations chez le médecin généraliste, les spécialistes et la psychothérapie. Les AP ont 1.4 fois plus de prestations remboursées que les « non-AP ». Cela signerait à nouveau, un réel impact sur la santé mentale et physique, de l’investissement des AP. Cela pourrait aussi dire que les AP ne prennent pas le temps de se soigner, et que les rechutes sont alors plus fréquentes.

à Soulignons que ce résultat parait être en contradiction avec les précédents résultats concernant le recours par les AP aux produits de l’AC[1]. Du coup, que penser ? Est-on face à des AP « conscients » de l’importance de préserver leur santé, et explorant dès lors, tous les avantages qui s’offrent à eux ? Ou est-on en réalité face à des AP « aux abois », faisant feu de tout bois (AO et AC) pour « tenir » sur la durée auprès de leur proche ? Les chiffres suivants éclairent aussi ce débat.

[1] A savoir les avantages « alternatifs » complémentaires aux prestations établies par l’INAMI.

Un AP reçoit par an, environ 12 remboursements de soins de santé dans le cadre de l’AO, contre 9 pour des affiliés « non-AP ».

Les hospitalisations : des résultats à décoder

Les AP comptabilisent sur la durée étudiée, 0.47 % d’hospitalisation, contre 0.50 % chez les « non-AP ». Cela signifie 8 jours d’hospitalisation des 1°, contre 9 pour les seconds. On compte 20 hospitalisations d’AP/an, pour 19 de « non-AP ». Cela signifie que les AP sont plus fréquemment hospitalisés, mais pour des durées plus courtes. Des questions se posent : l’impact du rôle de l’AP, peut-il mener à une hospitalisation ? L’AP reste-t-il moins longtemps à l’hôpital, stressé par l’incertitude entourant l’accompagnement de son proche, en son absence ? En conséquence, consciemment ou non, l’AP serait amené à sacrifier sa santé au profit du confort moral et matériel de son proche.

Quelles sont les conclusions de cette enquête de santé ?

Mathématiquement, au cours des prochaines années, le nombre global d’AP dans la société sera amené à augmenter. Conscients de cette tendance, observée aussi chez PARTENAMUT, ses professionnels ont voulu approfondir l’impact de ce « rôle » d’AP sur la santé. Il est confirmé, et il est préoccupant ! LA SANTE DES AP S’AFFAIBLIT… parce que les AP sont en 1° ligne et sur tous les fronts ! Pour baliser le retour ou le maintien à domicile de leur proche vulnérable, pour pallier le manque de places dans les structures d’hébergement ou de répit…

Les constats de PARTENAMUT sont sans appel : les AP souffrent de plus de maux physiques que des affiliés « classiques ». Ils consultent donc davantage médecins et kinés. Lorsque les problèmes s’aggravent, les hospitalisations des AP sont plus fréquentes que chez les « non-AP », mais elles sont moins longues. Diverses explications sont possibles : la culpabilité ressentie par les AP, qui « craquent » et se le reprochent. Un stress majoré à l’idée de savoir son proche esseulé – même si par ailleurs, sa prise en charge se poursuit dans les faits ! Enfin, la santé des AP n’est pas identifiée comme une priorité, en ce compris, par eux-mêmes.

Dans le volet de l’AC, les AP recourent davantage aux médecines alternatives, au suivi psychologique et préventif : c’est pourquoi PARTENAMUT estime que l’accompagnement de la santé des AP doit être plus important.

Le profil des AP de l’étude est la copie-conforme des chiffres sociétaux : ce sont les femmes de la génération-sandwich qui sont en 1° ligne. Le lien émotionnel avec le proche est aussi fort, puisqu’il relève d’un lien partenarial ou filial : il y a un suivi psychologique à renforcer. D’autant plus que 80 % des AP ici sont des cohabitants, pour qui les moments de répit sont … rares. Enfin, dans ce panel, il n’y a pas un groupe socio-professionnel émergent, le constat est donc sans appel : nous sommes tous des « aidants proches » en puissance…

Des recommandations de PARTENAMUT

En parallèle à la loi fédérale de reconnaissance des AP, PARTENAMUT plaide pour :

– Une politique de santé publique développant une réelle prévention, avec une attention spécifique portée aux AP : un trajet de soin sur mesure, la prévention des limites physique et psychologique, voire le couplage des trajets de soins de la personne aidée et de son aidant.

– Une majoration de l’intervention financière pour le suivi psychologique : l’enjeu pour l’AP est de prendre conscience de son état de santé, d’investir positivement son rôle en l’étayant par des soins et un accompagnement psychologique.

– Un accompagnement spécifique des AP. La triade « écoute-information-mise en place des aides à domicile » reste la base. Mais elle se heurte à l’accessibilité des infos (souvent lacunaires) et à l’accessibilité des services professionnels. Et, faute de temps et d’orientation correcte, l’AP prendra tout à sa charge, jusqu’à l’épuisement.

– Une politique de sensibilisation, à propos de la réalité méconnue des AP, couvrant plusieurs domaines. Le monde professionnel : les employeurs doivent être conscients des risques de burn-out des AP, de leur besoin de flexibilité pour combiner vie professionnelle et vie privée. Le monde médical doit associer aidants et aidés dans le trajet de soins (avec les limites soulevées par l’ASBL Aidants Proches plus haut). Enfin, un grand public averti permettra aux aidants qui y évoluent de s’identifier eux-mêmes, d’accéder à la reconnaissance et aux aides dont ils sont besoin pour préserver leur santé.

– Le développement d’une réelle offre de solution de répit, comprenant les gardes à domicile, le tout devant être accessible financièrement. Cela permettrait à l’AP de préserver sa vie sociale en luttant contre son isolement, de cultiver des moments de bien-être et d’avoir du temps pour les démarches et les rdvs le concernant.

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