dans Actualités, Lecture, Législation

Protégé : Vivre la crise sanitaire dans la dignité….
Du côté des « invisibles »

Geneviève Aubouy (Chargée d’études)  et  Amandine Nihoul (Chargée de Projets & Info’Aidants) à l’ASBL Aidants Proches Wallonie – Avril 2020

L’ASBL Aidants Proches a co-signé une carte blanche parue dans la presse ce matin. L’occasion d’aller plus loin dans notre réflexion. Celle-ci s’appuie sur des constats déjà connus, mis en relief par le Covid-19. Reprenons :

Les politiques se sont mobilisés pour la population en général. L’enjeu était de taille, mais ce faisant, cela a mis en lumière des « zones aveugles » de notre société. Dit crûment, comment a-t-on épaulé les « vieux », les « handicapés », à domicile, en institution ? Et qui l’a fait ?

La parole des « experts » a été médiatisée : leurs explications, leurs conseils ont donné un cap aux dirigeants. Ces derniers les ont déclinés en mesures concrètes, nécessaires pour dépasser l’urgence, la peur. Mais cette « guidance » serait restée sans effet sans les millions d’anonymes, de discrets qui ont fait TENIR le système, à bout de bras, de force… de souffle.

 

Ces « anonymes », ce sont les « oubliés » de ce même système: les aidants et les professions moins visibilisées que les médecins. Citons les éducateurs, les aides-soignantes, aides-familiales, aide-ménagères, mais aussi le personnel d’entretien, d’horeca (en institutions), et tant d’autres !

Moralité : un des aspects inattendus du Covid-19 a été la mise en lumière du dramatique manque de moyens structurels (technique, humain…), particulièrement visible dans tous les secteurs du non-marchand, hébergement compris. La pandémie a aussi révélé la profonde humanité des professionnels et des aidants, d’autant plus admirable qu’ils risquent (encore) chaque jour leurs vies.

Mais est-on prêt à vérifier la solidité de cette équation pour l’avenir ?

Explication : bon an, mal an, lorsque les conditions sont (plutôt) stables, « ça passe ». La débrouille devient un « outil » de travail en soi, basé sur l’intelligence, l’ingéniosité des professionnels, des aidants. Mais lorsque l’incapacité de « bien faire » son travail s’aggrave (et cela a été particulièrement visible ces dernières semaines), évidemment que cela peut conduire chez certains, à la désespérance !

Alors, dans quelle mesure faut-il s’étonner que cette perte de sens conduise à plus de risques de dérives, voire de dilemmes éthiques ? Rappelons avec force que cela n’est PAS la norme ! Que lorsque dérive il y a (individuelle ou institutionnelle), bien sûr que cela doit devenir une question politique !

Que la solitude que vivent de nombreuses personnes (âgées, handicapées, à domicile, en hébergement…) s’éprouve même dans les temps de sureté sanitaire !

Les voilà, les prémisses d’un scandale en puissance : faut-il une crise, des aidants déchirés, un personnel débordé, pour se rendre compte que la solitude tue ou peut mettre en danger, qu’il s’agisse des soignants, des publics fragilisés, des aidants ? Cette déflagration doit être un tremplin pour, effectivement, repenser la manière sociétale dont nous choisissons d’accompagner le vieillissement, la fragilité, la solitude, comme soignants, comme aidants… Oui, la vie d’après de confinement ne sera plus (jamais) la même.

L’ « après-confinement » ? Il se dessine déjà. Et NOUS dans tout ça ?

Les médias nous relatent qu’un Comité d’après-confinement se constitue, principalement avec les représentants des corps médical et économique. Bon. Mais où sont les représentants des « forces vives » qui ont été présentes sans faillir ? Où figurent les représentants de la société civile (parmi lesquels les aidants, les bénévoles…) ? Où apparaissent les professions sociales, paramédicales, de l’aide, de l’enseignement ? Et tous les autres ?

Se priver de ces histoires individuelles, personnelles et professionnelles, c’est s’amputer d’une part de notre mémoire collective.
Laisser de côté les constats, les expériences, les témoignages à 360 ° (non seulement dans ce qui aura été traversé, mais aussi de tout ce qui a été affronté jour après jour, hors Covid-19), c’est à nouveau risquer de « perdre le Nord » alors que le défi consistera justement à orienter les choix collectifs que nous posons pour demain.

L’équation, ce peut alors être celle-là, avec ses inconnues :

  1. Peut-on concilier la prise en compte de chaque individualité avec une réponse sanitaire globale ? En d’autres termes, comment est-ce qu’on compte mutualiser cette terrible et formidable expérience collective ?
  2. Est-ce que le post-confinement va de nouveau reposer sur une faille ? Celle qui divise les « invisibles », qui ont tenu le système à bout de bras (à domicile, en institutions, à l’hôpital…) et les « experts » qui, désormais, reprennent la main pour guider le pays à travers une crise économique que l’on sait inéluctable, car de dimension mondiale ?
  3. Plus largement, cette crise que nous traversons, et que nous vivrons encore de longues semaines a révélé, dans sa terrible simplicité, le meilleur et le pire de chacun d’entre nous. Notre devoir de citoyens consiste à questionner les fondements de pays, de sociétés qui divisent et régentent le monde selon leur bon vouloir, avec leurs intérêts économiques comme seul horizon. Faire le pari du meilleur, c’est oser repenser ensemble les bases d’une société, d’une Europe, d’un monde plus ouvert, moins consumériste, plus solidaire.
  4. Nous sommes encore confinés à l’heure d’écrire ces lignes. A priori, nous avons du temps pour y penser, pour échanger, pour clarifier nos choix. A chacun de mener cette réflexion, en conscience. Car c’est maintenant que s’écrit demain.

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