dans Coup de coeur, Lecture
My Left Foot

On a visionné pour vous …

My Left Foot– Film de Jim Sheridan (1989)

Geneviève Aubouy – Chargée d’études à l’ASBL Aidants Proches Wallonie 16 Mai 2020


My Left Foot
,  est LE film qui a révélé un acteur mythique, Daniel Day-Lewis – et qui lui a d’ailleurs permis de recevoir un Oscar en 1989. Il récompense son interprétation hallucinante de Christy Brown, auteur irlandais frappé à la naissance par une paralysie spasmodique, conséquence d’un manque d’oxygénation au cerveau. Le film nous dépeint l’enfance, la jeunesse puis l’âge adulte de Christy, entre une mère aimante, un père bourru, parfois violent, une ribambelle de frères et soeurs (Christy étant le 10° sur… 22), dans l’Irlande des années 40 à 60.

Un petit clin d’œil aux aidants qui nous lisent : est-ce réellement un hasard si l’actrice Brenda Fricker, qui joue la mère du héros, a obtenu elle aussi, l’Oscar du meilleur second rôle (« best supporting actress »), en même temps que Daniel-Day-Lewis ? Pour nous, ce « best supporting rôle » est emblématique – et « attribuable « – à tous les aidants proches, et reste très contemporain…

Photos des acteurs du film interprétant le personnage de Christy Brown

photo film My Left Foot

Hugh O’Connor (Christy Brown enfant)

photo film My Left Foot

Daniel Day-Lewis (Christy Brown adulte)

Quel est le synopsis du film ?

Irlande, 1959. Lord Castlewelland donne une réception en l’honneur de Christy Brown, peintre et écrivain, totalement paralysé. Christy conseille à la jeune infirmière qui ne le quitte pas de lire son livre, « My Left Foot ». Il y raconte comment, dès sa naissance, en 1932 (…) il a lutté pour survivre ; comment, entouré de l’amour de ses parents et de ses nombreux frères et sœurs, il a grandi, trouvant dans la peinture la force de vivre. Une orthophoniste, le docteur Eileen Cole, lui fait découvrir Shakespeare. L’enfant infirme, sorti d’une obscure banlieue populaire, s’éprend alors de la grande littérature et de son charmant médecin…

affiche

Affiche du film

My Left Foot

The Book, Volume 1, Page, 19, Picture, 2,1954, Christy Brown, pictured painting with his left foot holding the brush (Photo by Popperfoto via Getty Images/Getty Images)

Un personnage attachant, et une figure maternelle inoubliable

Christy est donc lourdement handicapé : incapable de se tenir debout, de marcher, de parler… Mais son esprit avisé et ses dons sont bien réels, ce dont ne doute pas un instant sa mère, en dépit des sombres pronostics des médecins. C’est donc elle qui, dès le début, va « prendre soin » de lui, au sens premier du terme. Faisant le pari de ses aptitudes, elle lui apprend à lire, le nourrit… La seule partie « valide », du corps de Christy est son pied gauche, qui n’est pas touché par la paralysie qui l’affecte. C’est par lui qu’il va écrire, puis apprendre à peindre…

Cette mère va être le moteur de Christy. Une des scènes le plus touchantes du film est lorsque le jeune garçon, sous l’escalier, entouré de ses frères et sœurs qui font leurs devoirs, saisit du pied gauche une craie et parvient à écrire, sur le sol, « MOTHER » (mère), le mot que prononce tout enfant, à un moment ou l’autre, dans sa vie, sous les yeux de ses proches. On sent dans cette scène l’effort, le souffle court, la sueur sur le front de l’enfant. Il faut aussi voir la réaction de la mère : elle comprend avant tout le reste de la famille, ce que rédige Christie. Il faut voir la réaction du père, qui, bluffé, rend à Christy son « rang » dans la famille (« c’est un Brown ! »), prend littéralement Christy sur son épaule pour aller au bar. En ouvrant la porte, devant ses camards médusés, il déclare : « mon fils. Christy Brown. Un génie ».

Mais on y voit aussi des scènes très concrètes de ce qui fait la vie de Christy  : une ambiance familiale douce-amère pour son 17° anniversaire, suivie d’une mémorable scène de foot en rue. Christy, goal de l’équipe des « Brown », défend sa cage assis au sol, arrêtant le ballon avec sa tête et allant jusqu’à mordre le mollet d’un joueur adverse, qui veut forcer le but. Lors d’un penalty, sous les moqueries de l’autre équipe, ses frères désignent « naturellement » Christy pour tirer dans le ballon. Le gardien adverse, hilare devant les mouvements saccadés de Christy, couché au sol, en fera les frais. La force du pied gauche de Christy fait la différence… sous les regards goguenards de la fratrie Brown.

La scène suivante montre aussi que, si Christy est bien présent dans la bande d’adolescents qui flirtent, il doit aussi se confronter aux désillusions face aux « filles ». Lorsqu’il est désigné pour recevoir le baiser de l’une d’elles, elle tente de biaiser : « il ne joue pas ! » Ce à quoi le frère de Christy, le « beau gosse », confirme qu’il fait partie de la bande, et que le défi doit être relevé… jusqu’à recevoir le chaste baiser de sa camarade.

On l’aura compris, ce film profondément humain est tout sauf misérabiliste ou « rose bonbon ». On y voit aussi les drames qui ont émaillé la vie de Christy, drames qui sont le lot de toute la grande famille humaine :

  • Le quotidien de sa mère : enceinte, en montant et en descendant le garçon sur ses épaules, fera un malaise et chutera dans l’escalier étroit de la maison
  • La mort de son père, victime sans doute d’une attaque cardiaque : coincé derrière la porte, ce dernier la bloque. C’est Christy qui, à la maison avec sa mère, va mobiliser ses forces, couché au sol, pour entrouvrir la porte et tomber littéralement « face à face » avec son père mort
  • Lorsque Christy devient adolescent, puis jeune adulte, sa rencontre avec une orthophoniste, le voit tomber amoureux. Ses efforts pour faire progresser son élocution attristent sa mère : elle comprend que c’est l’amour qui décuple les forces de son fils, mais que cet amour n’est pas payé en retour…
  • Christy connait aussi des démons : l’alcool comme anesthésiant à tout ce qui est obstacles et désillusions dans sa vie.

Mais aussi et surtout, on sent dans ce film une terrible force, une cohésion : sans doute le fameux « fighting spirit » irlandais. Cet esprit de combat, de non-renoncement est incarné dans la lutte de la mère de Christy pour qu’il ait une chaise roulante, économisant sous par sous. Elle se vit dans les jeux des gosses, dans la brouette dans laquelle les femmes de la famille, poussent dans le quartier un Christy hilare. Le garçon est associé aux fêtes de la communauté, participe aussi pleinement à la vie de famille, quitte à entretenir des relations orageuses avec son père…

En vous parlant de ce film, nous voulons montrer que la solidarité, la cohésion, le support d’une famille, d’une communauté, l’humour, bref, ce fameux « esprit de combat » (pas seulement irlandais, mais « made in aidant proche ») transpire dans le film. Et que l’on soit valide ou handicapé, aidant, professionnel ou simple quidam, on est porté par ce film. Le jeu des acteurs, la force du récit, le message universel, contribuent à faire du bien à l’âme… Pourquoi s’en priver ?

Laissons le mot de la fin aux Christy : le vrai, parlant de sa mère, et Daniel Day-Lewis, à propos de son modèle :

« Elle a refusé d’accepter la vérité, la vérité dérangeante qui semblait dire que j’étais au-delà des soins, au-delà d’être sauvé, et même au-delà de l’espoir (…) Elle ne pouvait et ne voulait pas croire que j’étais un « imbécile », comme lui ont dit les docteurs. Elle n’avait rien au monde qui l’étayait, pas un début de preuve pour affirmer sa conviction que, bien que mon corps soit paralysé, mon esprit ne l’était pas (…)  Je ne crois pas qu’elle savait pourquoi, elle le savait, sans ressentir le moindre doute ». https://www.biography.com/news/my-left-foot-christy-brown-biography-facts. « Je l’ai vu comme plus qu’une histoire plutôt sombre d’un homme en fauteuil roulant. Christy représentait pour moi un véritable héroïsme et je voulais vraiment essayer de capter la rage et la frustration qui l’ont amené à peindre et à écrire. Pour montrer, je suppose, que le piège n’est pas le fauteuil roulant ou les afflictions, mais notre attitude envers les personnes handicapées ». Daniel Day-Lewis (Arena Magazine, Summer/Autumn 89).

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