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L’Association pharmaceutique belge (APB)
Chaque jour, 500.000 personnes franchissent le seuil d’une pharmacie, soit un peu plus de 100 personnes /pharmacie/ jour en moyenne. Ce « lieu de soin » décrit dans la loi, doit être réparti de manière accessible sur tout le territoire belge. A son image, le pharmacien y est ce professionnel de santé discret, de bon conseil (que l’on soit en santé ou en maladie). Présent 7 jours/7, il l’est aussi à tous les âges de la vie, depuis la naissance jusqu’à son terme. Il est « le » référent santé, qui suit de près le médecin généraliste dans l’esprit des gens. L’un de ses buts est d’offrir un accompagnement santé qui ne se réduit pas à délivrer des médicaments face à la maladie : son rôle est d’aussi offrir une écoute, des conseils de prévention santé adaptés à la situation de chacun, depuis les personnes « en bonne santé » jusqu’aux malades chroniques. Les patients comme les aidants proches (AP) peuvent compter sur son appui essentiel.
Cet article repose sur une interview réalisée auprès de Monsieur Chaspierre, pharmacien d’officine qui a rejoint en 2014, le Comité directeur de l’APB. Il a exercé le secrétariat général de 2014 à 2016, puis en a été le vice-président puis président de 2018 à 2019. Actuellement, il exerce son dernier mandat.
L’Association Pharmaceutique Belge (APB) est l’association regroupant les pharmaciens indépendants. L’APB représente 4200 pharmacies sur les 4800 que compte le pays. Les 600 pharmacies restantes sont des pharmacies « coopératives » type EPC ou Multipharma. Les missions de l’APB sont variées : représentation de la profession, défense professionnelle de ses membres, développement d’informations et d’outils informatiques de support aux soins pharmaceutiques (ex. : outils de gestion des interactions médicamenteuses).
Durant la dernière législature, l’APB a collaboré avec le Ministère de la Santé afin de réfléchir à l’avenir de cette profession, au regard des 3 axes soutenus par l’APB (prévention, orientation et suivi pharmaceutique). Un exemple de réalisation concrète de l’APB ? Le Guide de bonnes pratiques pharmaceutiques (issu d’un arrêté de 2009) contient la concrétisation des « coins confidentialité » (présents dans 70 % des pharmacies).
QUEL REGARD PORTE LA POPULATION, SUR CE PROFESSIONNEL DE SANTE ?
Aux yeux du grand public, le pharmacien jouit d’une bonne relation de confiance. En Belgique, 87% des personnes sont fidèles à un pharmacien et se rendent dans l’officine la plus proche de leur habitat : la population reconnaît l’apport de ce professionnel dans leur santé au quotidien. Sa proximité, son accessibilité amènent les personnes à lui poser des questions parfois tues auprès de leur médecin ! Et elle rend 73 % des gens d’autant plus attentifs aux conseils qu’ils viennent solliciter. Pour l’APB, ce rôle de « vigie de santé » accolé au pharmacien est bien complémentaire au rôle du médecin – c’est d’ailleurs l’un des « enjeux santé » présentés en conclusion. Et bien qu’aujourd’hui, les « pharmacies en ligne » aient le vent en poupe, l’APB estime que la proximité, la réactivité, la relation de confiance et le haut niveau de compétences des pharmacies locales feront toujours la différence.
LA RELATION DU PHARMACIEN AVEC LES « AIDANTS PROCHES » (AP) : PRIVILEGIEE, PARCE QUE COMPRENANT DES POINTS COMMUNS
Mr Chaspierre souligne que l’engagement des « aidants » les apparente à « une profession ». Le suivi de leur proche multiplie leurs occasions de contact avec le pharmacien. Pour Mr Chaspierre, les AP sont bien des « partenaires privilégiés de santé » à cause de l’interface qu’ils réalisent entre les patients et les professionnels de santé. L’APB déplore que les AP ne soient encore pas assez entendus et pris en compte. Dans le cadre de la santé de leur proche, ils devraient pouvoir être outillés, épaulés, pour avoir une « mission claire ».
Mr J, âgé de 76 ans, souffre depuis des années d’une insuffisance rénale qu’il n’a jamais traitée. Son hygiène de vie (sédentarité complète, ancienne tabagie malgré un passé sportif) s’accompagne d’une assuétude alcoolique. Des problèmes cardiaques (ayant nécessité des interventions en urgence) doublés d’un rétrécissement des artères, se traduisent par une majoration des troubles cognitifs chez Mr J. : désorientation spatio-temporelle, oublis sont de plus en plus fréquents et prononcés…
Fragilisé par son hospitalisation (Mr J a été victime de la Covid-19), de retour à domicile, il connaît de multiples chutes, plus ou moins graves. Son suivi de santé consiste à ce jour en une dialyse en milieu hospitalier 3 fois par semaine, et des contacts très espacés avec son (dernier) médecin traitant (en date). Il est à noter que Mr J est terrifié par l’idée de déchéance ou de maladie : le déni est une composante majeure de sa « non-littératie » en santé.
Son épouse, aidante malgré elle, s’épuise à organiser des rdvs destinés à évaluer les capacités motrices, cérébrales de son mari. Son seul contact avec des professionnels de santé consiste en des appels réguliers aux infirmières du service de dialyse. Elle leur fait part de ses observations, et recadre le discours de Mr J, confus. Ce dernier l’accuse d’ailleurs de diffuser des informations erronées. Son épouse a d’autres (multiples) rôles, trop longs à détailler : depuis la gestion des pertes cognitives de son mari, de son agressivité verbale, sa surveillance discrète de la gestion (qu’il veut encore opérer) de ses médicaments… A l’appel aux secours lors des chutes à répétition de Mr J. Le tout dans un contexte avéré de « conjugopathie » (soit, dans les faits, une irritation constante, réciproque, tenace et sans retour) …
Un constat répandu chez les pharmaciens : l’épuisement des AP
Faute de cadre et de missions claires, Mr Chaspierre souligne un atout du pharmacien face à sa clientèle, malade ou aidante : sa fréquence des contacts fait qu’il a une bonne connaissance de la situation « sociale » du patient et/ou de son entourage. La confiance que lui manifeste le grand public lui permet d’être attentif à certaines situations « à risque » (comme, par ex., des personnes isolées). Dans sa pratique de terrain, Mr Chaspierre ne compte plus le nombre de fois où c’est lui qui a mis en garde l’aidant : « écoutez, à vous en occuper comme ça, vous allez vous-même craquer ! ». Par le dialogue et sa connaissance de terrain, il n’est pas rare que le pharmacien oriente des aidants dans des démarches vis-à-vis de la commune, de services d’aide, voire d’une institutionnalisation du proche trop malade.
Dans la pratique des pharmacies, les AP jouent un rôle majeur : écoutés, ils doivent pouvoir être orientés vers une solution au problème qu’ils confient. Parfois considérés comme des « professionnels » grâce à leur connaissance fine de la situation de santé du proche dépendant, les AP sont encouragés à échanger avec le pharmacien. Cela est d’autant plus vrai dans le cadre de projets-pilotes tels que la HAD (Hospitalisation à Domicile) : la concertation multidisciplinaire qui y est de mise doit englober tous les acteurs santé, y compris… les proches. Si cette pratique existe aujourd’hui, elle est encore trop « spontanée » et pas assez structurelle.
DES ENJEUX AU DEPART DE CONSTATS DE SANTE, DES REPONSES ENGLOBANT LES « AIDANTS PROCHES ».
La « transversalité » des soins, avec qui, comment ?
Le SPF Santé Publique s’est penché sur les « soins transmuraux », définis comme étant le réseau qui se tisse entre « tous les acteurs concernés, c’est-à-dire le patient et son aidant proche, la 1ère et la 2ème ligne de soins et les partenaires du secteur du bien-être se relaient harmonieusement. Le patient ne constate aucune interruption entre les soins à domicile et ceux prodigués à l’hôpital »[1].
Pour l’APB, l’objectif est que chaque patient sortant d’un séjour hospitalier, qu’il soit court ou long, dispose d’informations systématiques et claires. Or trop souvent, il revient au pharmacien voire au patient ou à son entourage, de « faire le tri » dans les nouveaux médicaments qui lui ont été prescrits au sortir de l’hôpital.
[1] https://www.integreo.be/sites/default/files/public/content/7.fiche_pratique_continuite_des_soins_fr.pdf
Encore trop souvent, les médecins ne « croisent » pas leurs informations : le généraliste, le(s) spécialiste(s), un séjour en hôpital font que les médicamentes se surajoutent sur la liste des patients, sans réelle vue « méta » de ce qui est pris. On parle de « polymédication » : elle renvoie au fait de prendre 5 médicaments ou plus. Elle peut aussi se définir à partir de médicaments non-cliniquement indiqués, voire inappropriés. Leur prise combinée fait alors survenir des effets indésirables (ex. : chez les personnes âgées, les chutes seraient souvent attribuables à des effets de médicaments qui, pris ensemble, deviennent dangereux).
L’APB plaide pour que le pharmacien joue un rôle de vigie face à ce risque. Les AP sont également en 1° ligne pour veiller à la prise des médicaments (et à leur réapprovisionnement en pharmacie), signaler aux médecins des effets indésirables voire néfastes, surveiller l’état de santé global de leurs proche…
Notons que cette gestion « raisonnée » des médicaments, participe de ce qu’on appelle la « littératie en santé », définie ci-après.
Face à cet enjeu de santé publique, le « pharmacien de référence » défendu par l’APB, prend tout son sens : en procédant régulièrement à un bilan médicamenteux via le schéma de médication pharmaceutique, accessible et consultable par d’autres professionnels de santé (en ce compris, ceux des hôpitaux), le pharmacien de référence aide à la qualité des soins transmuraux. L’inverse serait également vrai : un praticien hospitalier, indiquant le traitement ajouté ou revu au regard de son patient pourrait communiquer un schéma de médication clair pour les acteurs de première ligne et pour le patient via une plateforme d’échange de données sécurisée.
Les systèmes informatiques de partage de données de santé : quels garde-fous ?
Mais qui dit « continuité des soins » entre le lieu de vie et les structures hospitalières, dit aussi « partage des données ». Comment ? La voie informatique semble incontournable. Avec qui ? Là, de nombreuses questions restent en suspens : quels professionnels doivent avoir accès aux infos, et lesquelles ? Des acteurs d’autres secteurs (comme l’aide, le social…) doivent-ils également y avoir accès ? Que dire de l’entourage des patients concernés ?
En 2020, bien que « l’e-santé » se développe en Belgique, les systèmes digitaux de partage de données médicales restent inaboutis et morcelés. Chaque région de la Belgique développe son propre « coffre-fort » informatiques de données sécurisés mais ils ne sont pas compatibles entre eux, et pas au même niveau de développement[1]. Pourtant, une réalisation portée par l’APB, a déjà fait ses preuves : le dossier pharmaceutique partagé.
Celui-ci utilise le réseau e-health. Concrètement, une pharmacie délivrant un médicament alimente une base de données : à partir du moment où le patient donne son consentement, dans une autre officine, un pharmacien peut voir l’historique de consommation des médicaments. Cela permet une « analyse de risque » plus précise (rappelez-vous les dangers de la polymédication…). Enfin l’APB permet le développement professionnel et a, par exemple, mis sur pied le système de « pharmaciens de référence », qui est une fonction très utile pour tout patient chronique, en particulier « poly-médiqué ».
C’est aux politiques de mener ce débat : pour que les gens donnent leur consentement à ce partage de données « sensibles », il faut qu’ils soient informés et que ce partage soit balisé.
[1] Les systèmes digitaux sont respectivement Vitalink en Flandre, Abrumed à Bruxelles et le Réseau Santé Wallon en Wallonie.
La « littératie en santé » : kesako ?
La « littératie en santé » est la capacité d’accéder à des « infos santé » (dans une optique de prévention, si l’on est en bonne forme, ou pour se soigner si l’on est souffrant). Plus encore, la littératie est la capacité à comprendre des infos, les évaluer et les appliquer, en vue de maintenir ou de restaurer sa santé et celle de ses proches, quel que soit le lieu de vie et les circonstances.
Selon l’APB, il existe plusieurs problèmes importants de santé, qui impliquent les médicaments et dans lesquels les pharmaciens peuvent jouer un rôle de 1° plan.
- L’adhésion au traitement : 50% des patients dits « chroniques » n’ont pas une bonne utilisation de leurs médicaments, voire ne comprennent que peu, ou mal leur maladie.
Vérifier la compréhension et l’adhésion au traitement, est un combat conjoint du pharmacien et de l’entourage de ces patients parfois lourdement dépendants. En Australie, une étude a estimé que les économies ainsi réalisées s’élevaient à 1.2 milliards $, un gain énorme pour les finances publiques, mais aussi dans la qualité de vie des patients. Car la prise régulière d’un médicament adapté réduit en effet le risque de dégradation de la maladie.
Logiquement, l’APB revendique aussi l’orientation adéquate de personnes qui viennent consulter le pharmacien. Sur 3 personnes qui ont un souci de santé, 2 s’auto-médiquent, 0.75 va consulter son médecin, le reste se rend dans des services spécialisés.
Lorsqu’on se rend dans une pharmacie, le rôle du pharmacien est d’analyser la plainte ou la demande d’un médicament, de vérifier si la demande est compatible avec l’état de santé de la personne ou avec ses autres médicaments et le cas échéant de le référer vers son médecin. Mais le pharmacien, vu son accessibilité, pourrait, comme c’est déjà le cas dans d’autres pays, jouer un rôle dans le dépistage de pathologies chroniques.
Des projets pilotes sont menés sur ce point, par exemple en province de Luxembourg notamment. En effet, prenant l’exemple du diabète, on constate un retard de 2 à 3 ans entre l’apparition des 1° signes de la maladie et le diagnostic. En pouvant détecter précocement les 1° symptômes de cette maladie, le pharmacien sera alors à même d’orienter la personne plus rapidement vers son médecin généraliste. Dans les projets pilotes, il s’avère que 5 % des personnes diabétiques s’ignoraient porteuses de cette maladie. Et que, prise à temps (en phase de « prédiabète »), une perte de poids et de l’exercice physique suffisent à réduire de moitié le risque de devenir diabétique !
- La polymédication[1]: 200.000 hospitalisations/an sont dues à des problèmes liés aux médicaments. Le pharmacien a un rôle important à jouer dans la recherche des problèmes liés aux médicaments.
C’est pourquoi l’APB plaide pour un « suivi pharmaceutique », incarné par le « pharmacien de référence », déjà plébiscité par un million de Belges. L’un de ses rôles est d’établir un schéma de médication en concertation le patient et son médecin traitant. Ce schéma comprend les prescriptions des différents médecins mais aussi, l’automédication pratiquée par le patient. C’est donc un outil d’information précieux pour une bonne qualité des soins et pour éviter des problèmes liés aux médicaments.
Pour l’APB, à travers les « soins transmuraux », la « polymédication » et ses risques, c’est en filigrane, un travail en réseau étroit qui doit se mettre en place, se renforcer, se déployer toujours plus. Qui dit « réseau » dit bien sûr collaboration avec les médecins traitants… Mais pas que…. La « littératie en santé » est la capacité à être, revenir à une bonne santé, et être en mesure de faire des choix éclairés sur la meilleure manière d’y parvenir. Mais dans ce travail, les pharmaciens savent pouvoir compter sur un interlocuteur de 1° force : l’entourage des patients.
[1] Cf. définition mentionnée plus haut.
« TENIR BON » DURANT LA CRISE SANITAIRE DE LA COVID-19
La qualité et la pénurie : un manque particulièrement visible durant la pandémie…
Face à la déflagration née de la Covid-19, la population a réalisé avec effroi qu’il n’y avait pas de « plan global » de crise. Et que la «débrouille » était, dans un premier temps, la seule réponse disponible, en particulier dans le domaine de la santé. La fierté des pharmaciens, c’est que le « métier n’a pas changé et que tout est resté accessible ». Il n’est pas seulement question ici, de la poursuite de traitements, mais aussi de l’accessibilité, de la compétence, au service de la santé des citoyens.
La politique de prix des médicaments… À quel prix ?
L’APB constate, depuis plusieurs années, la volonté du politique qui consiste à faire des économies dans le secteur des médicaments (notamment sur les anciennes molécules). Or, cette pratique, qui vise à permettre de libérer des moyens pour rembourser de nouveaux médicaments souvent plus chers, atteint ses limites. En effet, il arrive que le prix devienne tellement bas que la firme supprime la commercialisation du médicament en Belgique. De plus, ceci a poussé l’industrie à tendre les flux et à rationaliser les sites de production au niveau mondial ce qui conduit inexorablement à une augmentation du nombre de médicaments indisponibles. Dès qu’un problème survient dans une chaine de fabrication (indisponibilité de matière première, problème qualitatif), tout s’arrête et le médicament est indisponible, ce qui pose de gros problèmes aux patients et … aux pharmaciens qui doivent constamment trouver des solutions pour assurer la continuité du traitement. Or, l’APB est persuadée que l’on pourrait générer des économies notamment en accroissant l’efficience par une adhésion thérapeutique plus soutenue, par l’amélioration du niveau de littératie en santé et une meilleure approche des problèmes liés aux médicaments et à la polymédication.
Les pharmaciens ont été les oubliés de la 1° ligne… un temps.
Mr Chaspierre explique que les pharmaciens ont dû faire entendre leur voix, auprès du monde politique, bien qu’ils n’aient pourtant jamais interrompu leur activité comme professionnels de santé. Pourtant, dans les premiers temps de la gestion de la crise, ils ont eu le sentiment d’être ignorés par les pouvoirs publics. Cela s’est traduit par une grande frustration, qui a été contrebalancée par l’énergie déployée pour fournir la continuité des traitements pour les patients, gérer les pénuries… Malgré tout, le contexte anxiogène (pénurie de masques, de gels…) a vu les agressions verbales bondir de 25 %.
Un baromètre établi par la VUB, auquel ont répondu les pharmaciens, offre des chiffres intéressants : ces professionnels ont connu clairement un pic d’affluence au début de la crise sanitaire. Etant les acteurs de soins parmi les plus accessibles, c’est vers eux que s’est tourné le grand public. Mais ils ont dû aussi et malgré tout, assurer le traitement des maladies chroniques, dans le cadre de la « continuité des soins », et ce, alors même que parfois, des cabinets médicaux eux-mêmes, n’étaient plus accessibles. Très concrètement, les pharmaciens ont aussi assuré quatre fois plus de portage de médicaments à domicile, qu’en temps ordinaire. Cet aspect, méconnu, a pourtant « sauvé la mise » à bien des AP isolés, ne pouvant laisser leur proche seul. Le tribut à payer a été lourd : plusieurs pharmaciens sont décédés de la Covid-19. Certains d’entre eux ont maintenu leur activité malgré des symptômes, des suspicions de contamination : renforcer les protections vis-à-vis des clients, plutôt que de laisser les clients sans accès à la pharmacie locale…
Une liste de problèmes, et des solutions apportées par les pharmaciens
Le plus criant des problèmes a été la distribution du matériel de protection. Les pharmaciens ont très vite proposé leur service à ce niveau, mais sans réponse de la part des autorités, sauf pour certains masques. Mais ceux-ci ont été sous le feu de tellement de polémiques médiatisées que beaucoup resteront sans doute inutilisés sauf prolongation de la crise.
Une autre difficulté a résidé dans la dépendance complète, pour certains médicaments ou dispositifs, vis-à-vis de pays étrangers, conduisant même à menacer la disponibilité de certaines molécules. Un exemple réside dans la fameuse « saga des masques », ou dans celui de la pénurie complète des thermomètres électroniques, la firme les commercialisant ayant bloqué leur exportation vers la Belgique. Il y a eu rupture de stocks des tubes nécessaires à l’intubation des patients. Le paracétamol, le Plaquenil® ont été en pénurie, tout comme le produits curarisants (dont chaque patient « COVID-+ » intubé devait recevoir 20 ampoules !). La conséquence directe en a été le report des euthanasies programmées dans le cadre légal belge.
Un autre problème, consécutif à la pénurie, a été la qualité du matériel fourni : malgré des vérifications précises (marquage CE, label de qualité…), il est admis que des faux ont circulé. Au-delà du scandale, cela pose diverses questions : la régulation et la qualité des produits fournis à la population, le rôle d’agences régulatrices (ex. : l’Agence fédérale des médicaments), la traçabilité et la sûreté de la qualité du matériel.
A cela s’ajoute un effet d’aubaine constaté. Le prix des masques au niveau des fournisseurs a monté en flèche ce qui a eu un impact sur les prix dans les officines. Il y avait beaucoup d’incompréhension sur les sortes de masques disponibles et cela a participé à la confusion générale.
Le travail qui a été demandé aux pharmaciens, a été de veiller au risque de pénurie. Une plateforme a ainsi été créée pour veiller à ce que de l’oxygène reste toujours accessible, pour les personnes y étant soumises à domicile. Les pharmaciens ont aussi reçu l’autorisation de fabriquer du gel hydroalcoolique, de distribuer du matériel de protection. Ils ont aussi été en 1° ligne pour réguler la vente de paracétamol, d’hydroxy-chloroquine…
Un dialogue renforcé s’est aussi instauré avec les autres professionnels de santé en 1° ligne : les infirmiers, les médecins… Malgré la crise, ces interactions ont été la manifestation de la solidarité qui a régné entre ces métiers. L’APB s’est aussi mobilisée : son rôle majeur a été de fournir une information claire et responsable dans le double objectif d’assurer la continuité du service (en pharmacie) tout en garantissant le maximum de protection pour les équipes officinales malgré le manque de matériel disponible. Une boîte mail spécifique a par exemple été créée afin de permettre une interaction rapide entre les pharmaciens et l’APB. Les pharmaciens ont été aussi une force de proposition auprès de l’INAMI dont par ex. un remboursement immédiat des médications liées à de maladies chroniques au plus fort de la crise.
Conclusion : baliser l’avenir
Pour l’APB, le pharmacien devrait être un acteur plus important dans les politiques de prévention en santé. Il est temps de le reconnaître en tant qu’« acteur de soins à haute valeur ajoutée » (y compris au niveau social, de par sa proximité, son écoute, ses conseils…).
D’un point de vue sociétal, les pharmaciens de l’APB s’opposent avec force à la sortie d’un système solidaire de soins de santé. Les pandémies mondiales, telle que le diabète, sont des tueuses répandues. Mais la vision ultralibérale de la santé a montré ses limites durant la crise de la Covid-19. Une certitude demeure : celle du refus de la marchandisation de la santé. Face à la dérive ultralibérale, revenir à la qualité des services est la meilleure arme à employer. Dit autrement, que pèse la « rentabilité » lorsqu’un pharmacien doit, durant 5 à 6 heures, trouver vaille que vaille, l’une des 700 molécules indisponibles sur le marché ? La question à se poser, pour l’APB, est celle-ci : que veut-on comme santé, pour le futur ? La tendance à la marchandisation est effrayante, la qualité semble marquer le pas face à la commercialisation. Patients, citoyens : des marchandises parmi d’autres ?
Des garde-fous, des réponses à cette vision glaçante existent pourtant. L’intérêt des patients vulnérables, au centre des préoccupations de tous, en est une. Une meilleure transversalité dans la répartition des tâches, en respectant les différents niveaux de compétence, en est une autre. Pour l’APB, le déploiement des « zones de soins » (dans lesquels des professionnels travaillent en collaboration dans un réseau et sur une zone de population définie), représente un double enjeu. D’une part, parce que cela nécessite de repenser le financement « en silos » du système de santé actuel. D’autre part parce que, convaincus de l’importance de la « littératie en santé », les pharmaciens disent qu’une meilleure santé de la population ne pourra passer que par la reconnaissance et la mobilisation des ressources que sont les proches des personnes vulnérables.
C’est pour cela que le message que l’APB envoie aux aidants proches, est que pharmaciens et aidants vivent parfois un certain manque de reconnaissance. Pourtant, leur apport, irremplaçable et discret, est essentiel pour les personnes en perte d’autonomie qu’ils côtoient. C’est pourquoi l’ABP encourage tous les aidants à « ne jamais baisser les bras et se battre face à la nécessité de démontrer sa « valeur ajoutée » ». Le bon usage du médicament, le partage sécurisé des infos santé et l’automédication raisonnée sont des chantiers pour demain, qui doivent englober les aidants proches dans les débats… En défendant la « littératie en santé » du grand public, l’APB souligne là un enjeu dans les prochaines années : l’importance de s’ouvrir à d’autres acteurs que les « seuls » professionnels de la santé.