Partenaires à l’honneur
« Vécus, besoins, limites, ressources » … dans le domaine du « grand âge ».
Actes du colloque : « le (dé)confinement… Made in aidants proches… »
Geneviève Aubouy (Chargée d’études) à l’ASBL Aidants Proches | Juin 2021
Source :
L’ASBL Aidants Proches poursuit son cheminement à travers les actes de son colloque, parus en avril 2021. Lors de la dernière newsletter, nous avions mis en lumière les constats, partagés par les aidants, les professionnels et le public, dans ce qui a été traversé, entre mars et septembre 2020, dans le domaine du « handicap ».
A présent, nous nous penchons sur les « vécus, besoins, limites, ressources » … dans le domaine du « grand âge ». Nous verrons aussi brièvement quels sont les principales préconisations et pistes pour l’après-COVID… qui se met tout doucement en place.
Vous souhaitez approfondir ou revoir la méthodologie qui a présidé au colloque ?
Son but ? Mettre en lumière le vécu de ce (dé)confinement contrasté, comprendre la manière dont cette pandémie a été vécue en invitant des experts à partager leurs analyses. Ensuite, encourager la parole (lors d’ateliers) de tous ceux qui ont été en « 1° ligne » : aidants, professionnels, mais aussi citoyens. Construire cette réflexion collective : témoigner, synthétiser les constats, faire fructifier tous ces enseignements tirés de cette période troublée… pour mieux préparer l’avenir.
Comment ? Durant l’après-midi, 3 thématiques ont été explorées pendant les ateliers : le domaine du « handicap », celui du « grand âge » et celui du « domicile ».
Quelle méthode a été employée ? Pour chacun des domaines explorés en ateliers, les verbatims des participants ont été classés en 2 grandes rubriques :
- La 1° : les « vécus, besoins, limites, ressources » mis en évidence durant le 1° confinement ;
- La 2° : les « initiatives, propositions, revendications » pour l’avenir. Quand cela s’y prêtait, ces 2 catégories voyaient ensuite un focus sur la manière dont les participants des ateliers, envisageaient l’avenir : le (dé)confinement et une nouvelle manière de « faire société » sur base de ce qui avait été durement appris durant la pandémie.
Au sein de ces 2 rubriques, nous avons différencié 3 niveaux de récits, de propositions :
Au niveau macro :
Il renvoie à la dimension sociétale et englobe de grandes thématiques. Il questionne les politiques en matière de santé, la loi de reconnaissance des aidants proches (AP)… Il cible tout ce qui relève, en Belgique, de l’Etat fédéral ;
Au niveau méso :
Il comprend le réseau des organismes, les associations actives à une échelle « régionale » (ex. : les entités fédérées de la Wallonie ou de la Région de Bruxelles-Capitale). Mais ce niveau comprend aussi, entre autres, les structures d’hébergement, les fédérations de professionnels du domicile… Au sein de celles-ci, on y retrouvera la vision globale des directions et des encadrants d’équipe, ainsi que les vécus de ces équipes ;
Au niveau micro :
Il comprend le vécu intime, individuel, rapporté par les AP, les professionnels, les citoyens… Il comprend aussi la dimension inter-individuelle lorsque les récits portent sur la relation entre un « bénéficiaire », une famille, un professionnel.
Quels ont été les « fils rouges » déclinés lors de ces ateliers sur le 3° et le 4° âges ?
Tout d’abord, « l’âgisme » a fonctionné à plein régime ! Autrement dit, les stéréotypes généralement accolés à la vieillesse (la vulnérabilité, la lenteur…) ont conduit les autorités politiques, et, partant, les institutions d’accueil et d’hébergement des seniors, à prendre des décisions imposées, unilatérales et non concertées. Motivées en partie par l’urgence sanitaire et les chiffres alarmant du nombre de décès des seniors, le confinement imposé ne s’est pas (ou que peu) assoupli avec le temps.
Cela a mis en lumière un fossé : entre, d’une part, ces directives sanitaires, imposées du « haut » (pouvoirs publics, et directions d’institutions par ricochet) et les valeurs prônées dans les « lieux de vie » que devraient être les MRS (l’autonomie des résidents, le libre-arbitre…).
Ceci étant, il a été rappelé que les gestionnaires de MRS avaient une obligation de moyens, pas de résultats : il leur revenait de prouver que tout avait été mis en œuvre pour protéger les résidents. De plus, la solitude, le confinement extrême vécus par les seniors, ont été le lot commun, aussi, des équipes professionnelles en institutions. Elles ont vécu durement leur relative incapacité à « maintenir » un lien, par de petits gestes, avec les seniors, alors même qu’ils étaient particulièrement isolés…
De manière générale, dans les institutions où une réflexion préexistait à la crise sanitaire, où un dialogue était déjà établi entre direction, équipes soignantes et résidents, le confinement a été « moins mal » vécu que dans des MRS focalisées sur les seuls aspects quantitatifs et/ou techniques.
Néanmoins, il y a une nuance à apporter : le confinement a été vécu sur 2 modes différents selon qu’on était senior en MRS ou à domicile. Alors que les 1° se sont vus privés d’une série de libertés fondamentales, au nom de la sécurité collective, les 2° ont pu, dans l’intimité de leur domicile, faire des choix : « Ne plus te voir, c’est non, je préfère prendre le risque de choper la COVID » (une ainée à sa fille).
Quels ont été les ressentis des aidants proches, de personnes âgées ? Ils sont variés :
- Difficultés de communication : avoir des nouvelles de leur proche âgé en MR comme à l’hôpital, via les soignants uniquement, a engendré beaucoup d’émotions, mais aussi un certain lâcher prise, une confiance nécessaire dans les soignants
- Accompagnement de la fin de vie, et rituels lors d’un décès réduits à néant
- A domicile, inquiétude des AP entre respect de la bulle et crainte de la contamination
- Stratégies de résistance : resserrement des liens familiaux et de voisinage
Quel que soit le cas de figure, ces aidants ont vécu un éloignement, soit géographique, soit « symbolique ». Eloignés de leurs aïeux confinés, ou aux prises avec des seniors amoindris cognitivement, les AP de 1° ligne ont parfois dû passer la main à d’autres ressources familiales ou de voisinage. Quel que soit le cas de figure, le « contact avec autrui » a été un puissant moteur (ex. : initiation aux réseaux sociaux et aux contacts numériques, reprise de contact par téléphone avec des personnes « perdues de vue »…).
En termes de pistes, quelques points forts sont à relayer :
- Au niveau de l’ensemble de la société, il faut percevoir cette crise sanitaire comme un « déclic » : il faut s’efforcer de lutter contre les stéréotypes liés au « grand âge », ne serait-ce que parce que les vieillesses sont plurielles.
- Qui dit vieillissement « sur mesure », dit un cadre sécurisant, un réseau informel discret mais attentif : les autorités communales, les solidarités de quartier sont plébiscitées, face à cet enjeu.
- En institution, sortir d’un modèle pyramidal semble l’un des enseignements de la crise : privilégier une participation active des résidents, des équipes (qui ne soit pas qu’une façade !), est impératif. En ce sens, le modèle suédois « Tubbe » a été évoqué comme un système prometteur.
- Enfin, l’éthique a été convoquée dans les débats : il est question d’encourager tout un chacun à pouvoir donner son avis sur les difficultés traversées, ou présentes. Ne serait-ce que pour anticiper, au pire, de nouvelles pandémies aux conséquences sociales funestes.
Une articulation inédite !
Durant le colloque, nombre d’entre vous ont marqué un vif intérêt à propos de l’enquête belge sur « le vécu des aidants proches durant le confinement ».
A l’époque, seuls quelques résultats préliminaires avaient été présentés… Ils sont désormais beaucoup plus étoffés !