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« Glissements » : le livre poignant d’un aidant-proche qui appelle à replacer l’humain au centre du système

Thierry Müller est aidant-proche de sa maman nonagénaire, qui vit en région liégeoise. D’abord à son domicile, où il est revenu habiter pour l’aider « le temps nécessaire à sa convalescence », suite à une hospitalisation. Puis par des visites très régulières dans la maison de repos où elle a fini par accepter d’entrer, pour une durée d’abord limitée qui s’est conjuguée à l’infini. Pour son bien. Mais aussi celui de son fils, qui avoue que l’exigence de la cohabitation a fini par le dépasser.

Le groupe dont fait partie cet établissement en prend pour son grade, à grands coups de « multinationale de l’or gris » et d’« usine à soins ». Lourde, la charge est appuyée par une multitude de détails et de confidences montrant combien le manque de moyens financiers et humains à disposition du personnel soignant peut l’amener, bien malgré lui, à verser dans ce qui ressemble à s’y méprendre à de la maltraitance. C’est sans doute tout aussi vrai dans quantité d’infrastructures similaires. Mais tout cela amène à réfléchir profondément sur la marchandisation galopante de la vieillesse. Un regard critique qui interpelle, même si l’auteur, en toute transparence, reconnaît ses convictions marxistes qui influent inévitablement sur sa vision de la société.

Mais dans cet ouvrage poignant, Thierry Müller partage surtout un récit de vie rempli d’émotions, palpables et contagieuses. Déchirement du placement, sentiment de culpabilité et d’abandon, douleur face à l’infantilisation et le tutoiement du proche aidé, difficulté pour la famille de conserver un rôle dans la « gestion » du quotidien, hygiène trop souvent improbable, soins minutés laissant peu de place à l’humain, repas aseptisés, redevance mensuelle qu’une pension de retraite ne suffit pas à assumer, défis logistiques et éthiques incessants, désemparement face à la perte d’autonomie, douleur indicible de devoir subir la dégradation physique et la régression mentale de celle qu’il aime plus que tout… On ne ressort pas indemne de la lecture de ce livre cash, dans lequel bon nombre d’aidants-proches reconnaîtront sans peine leur propre histoire. Il se lit comme un roman. Mais il est malheureusement on ne peut plus réel…

En parallèle, le Conseil d’administration de l’université de la Cité ardente a décidé de créer un groupe de travail « relatif à la mise en œuvre des aménagements lors des sessions d’examen ». Il « examinera les moyens de faciliter le travail engendré par leur organisation ».

Glissements, Thierry Müller, Édern éditions, 246 pages, 25€.

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